« (…) je ne suis pas venu ici vous dire quelle est la politique africaine de la France comme d’aucuns le prétendent. Parce qu’il n’y a plus de politique africaine de la France !
(…) je veux m’exprimer ici au pays des hommes intègres parce que je sais qu’on ne parle pas qu’au Burkina Faso, ni même uniquement en Afrique francophone ; parce que ces barrières qu’on a longtemps mises dans nos représentations, dans nos lectures politiques, dans nos analyses, ce ne sont plus les barrières de l’Afrique d’aujourd’hui, de la vôtre.
Ces barrières entre une Afrique francophone ou une Afrique anglophone, entre une Afrique du Nord et une Afrique subsaharienne, entre une Afrique francophone et lusophone aussi, toutes ces barrières-là sont artificielles, elles ne viennent que plaquer en quelque sorte un passé qui doit passer, des représentations qui ont été, des constructions qui doivent évoluer.
Je parlerais donc ici devant vous de l’Afrique comme d’un continent pluriel, multiple, fort et comme d’un continent où se joue une partie de notre avenir en commun. »
Extrait du discours d’Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou.
Emmanuel Macron a été élu président de la République française à la fin d’une décennie où les États situés sur la rive africaine de la Méditerranée, déstabilisés par une série de violentes crises économiques et politiques (contrechocs de la crise financière de 2008, insurrections des Printemps Arabes, chute du régime du colonel Kadhafi en Libye, conséquences de la crise pétrolière de 2014-2016…) sont devenus des foyers de déstabilisation pour la France et les États du continent européen. Lorsque le président d’En Marche ! est devenu chef des armées, la France était engagée depuis quatre ans dans une guerre au long cours menée au Sahel pour faire rempart à la montée en puissance des cartels africains et des groupes djihadistes.
Ce nouveau désordre africain aux frontières de l’Europe a provoqué des chocs migratoires qui ont profondément divisé les sociétés européennes et la société française en particulier, où une large part du corps électoral, inquiet de ce phénomène, a porté une candidate qui relayait cette inquiétude au second tour de l’élection présidentielle. Le candidat Emmanuel Macron s’était, quant à lui, posé comme l’antithèse de Marine Le Pen, éludant la question migratoire et la politique africaine de la France dans ses discours de campagne et son programme électoral.
Dans son discours-cadre sur la politique africaine de la France prononcé à Ouagadougou le 28 novembre 2017, le président Macron s’est présenté comme l’interlocuteur d’une Afrique plurielle. De cette manière, il indiquait que son action sur le continent africain serait, elle aussi, diverse, et qu’elle ne se réduirait ni à une thématique, ni à un groupe de pays en particulier. Celle-ci aurait vocation à dépasser les « barrières » héritées de l’histoire ou imposées par la géographie.
Cette posture d’ouverture permettait au président Macron d’exprimer la volonté de s’affranchir des catégories et des clichés utilisés avant son mandat pour qualifier la politique africaine de la France. Une volonté qu’il a notamment choisi d’incarner en présentant son âge comme un gage de renouvellement devant les étudiants de l’université de Ouagadougou :
« Je suis comme vous d’une génération qui n’a jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé »
Cet appel à redéfinir les relations franco-africaines pouvait aussi être entendu comme une prise de distance vis-à-vis des anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, dont la majorité a entretenu des liens étroits avec la France depuis la décolonisation, malgré une transformation profonde de leurs relations et une mondialisation de leurs partenariats.
Ce discours de rupture n’est pas nouveau de la part d’un président français au sujet des relations franco-africaines. Les présidents Sarkozy et Hollande avaient, chacun en leur temps, affirmé vouloir en finir avec la « Françafrique », syntagme désignant à la fois négativement le rôle tenu par la France en Afrique depuis la décolonisation et un état de dépendance réciproque entre la France et ses anciennes colonies africaines.
Quatre ans après les annonces de Ouagadougou, le président Macron est-il parvenu dans la pratique à faire « passer un passé qui doit passer » ou a-t-il, à l’inverse, sous-estimé la profondeur des « barrières » qu’il appelait à dépasser ? Et surtout, au-delà des mots, les politiques africaines du président Macron ont-elles permis de protéger la France des conséquences du nouveau désordre africain ?