Avec 55,6 % du PIB consacré aux dépenses publiques en 2019, La France détient le record de l’ensemble des quarante pays de l’OCDE.
Ce niveau anormalement élevé a deux conséquences majeures : un niveau de prélèvements obligatoires excessif et un déficit public structurel entrainant lui-même une dette publique considérable, toutes choses qui pèsent sur la croissance économique actuelle et future de notre pays.
Ce raisonnement est confirmé par les données statistiques :
Source : OCDE, Eurostat
A la lecture de ce graphique, on observe en effet que plus la part des dépenses publiques dans le PIB est faible, plus la croissance du PIB est vive et inversement. Une droite de régression peut être tracée aisément.
Si la France se situait au niveau moyen de dépenses publiques des pays de la zone euro, c’est-à-dire proche du niveau de l’Allemagne, de la Slovénie ou de l’Autriche, on peut estimer que sa croissance sur la période 2010-2019 aurait été de 32 % (31 % pour l’Allemagne, 33 % pour l’Autriche et la Slovénie, la Grèce étant un cas atypique), au lieu des 27 % effectivement constatés. Le manque à gagner en termes de PIB s’élève ainsi à 90 milliards d’euros en 2019.
L’intérêt de réduire les dépenses publiques pour stimuler la croissance est donc bel et bien avéré.
A cet égard, on observe que les pays de la Zone euro en moyenne ont réussi à contenir l’augmentation de leurs dépenses publiques au cours de la période 2001 – 2019 (+0,1 % de PIB) alors que la France – sous les présidences successives de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron – a échoué dans ce domaine avec une hausse de 3,9 % du PIB.
Evolution des dépenses publiques en points de PIB de 2001 à 2019
France | Zone euro | Différence | |
Protection sociale | +4,5 % | +2,9 % | 1,6 % |
Intérêts de la dette* | -1,5 % | -2,1 % | 0,6 % |
Autres dépenses publiques | +0,9 % | -0,7 % | 1,6 % |
Total dépenses publiques | +3,9 % | +0,1 % | 3,8 % |
Source : Eurostat – FIPECO
*la diminution des intérêts de la dette provient de la baisse des taux d’intérêt
Au sein des dépenses publiques, il faut distinguer les dépenses de protection sociale et les autres dépenses publiques. La répartition entre les deux blocs de dépenses, que ce soit en France ou dans la moyenne des pays de la zone euro est la suivante : 57 % pour la protection sociale et 43 % pour les autres dépenses publiques.
S’agissant des dépenses de protection sociale (57 % de l’ensemble), les débats sont récurrents au sein de la société française et de la sphère politique qu’il s’agisse de la retraite, du système de santé, de l’assurance chômage… Le Gouvernement français annonce régulièrement des réformes dans ce domaine.
En revanche, le sujet des dépenses publiques hors protection sociale est relativement peu abordé par le Gouvernement, les hommes politiques et les médias. Pourtant, elles représentent 43 % des dépenses publiques de notre pays et sont là aussi excessives par rapport aux autres pays de la zone euro. Ce sujet est donc d’une certaine manière un angle mort du débat public.
Pourtant, la pandémie de Covid-19, qui a coûté et coûte encore très cher à la France, renchérit drastiquement la dette publique de l’Etat. Il sera donc impératif de traiter cette question dès que possible pour réduire les déficits publics puis la dette.
L’analyse est d’autant plus nécessaire que les dépenses régaliennes (Justice, Police, Gendarmerie, Diplomatie, Armée) sont passées de 4,5 % du PIB en 1990 à 2,8 % en 2016. Cela veut dire que les fonctions régaliennes de l’Etat s’affaiblissent année après année et rendent la France plus vulnérable sur le plan intérieur et moins influente sur le plan international.
Enfin, la France et les pays de la zone euro bénéficient d’un service de la dette relativement modéré en raison de taux d’intérêt historiquement bas, phénomène qui n’est peut-être pas durable. Ces taux très bas cachent le poids réel de la dette publique française qui, avec la pandémie, a connu un nouveau bond vertigineux de l’ordre de 20 points du PIB.
Afin de trouver les bons remèdes, en économie comme en médecine, il faut d’abord poser le bon diagnostic.
C’est pourquoi cette étude vise à comprendre les raisons pour lesquelles les dépenses publiques hors protection sociale sont plus élevées en France que dans les autres pays de la zone euro.
Pour mener cette analyse méthodique et compte tenu des ressources statistiques disponibles, nous avons pris comme périmètre de comparaison les pays de la zone euro et 2018 comme année de référence.
Dépenses publiques en % du PIB (2018)
Zone euro | France | Ecart en % PIB | Ecart en % | |
Protection sociale | 26,7 % | 31,9 % | 5,2 % | 19,5 % |
Hors Protection sociale | 20,3 % | 24,1 % | 3,8 % | 18,7 % |
Total | 47 % | 56 % | 9 % | 19,1 % |
Source : Eurostat – FIPECO
On observe donc qu’en 2018, les dépenses publiques hors protection sociale de la France étaient supérieures de 18,7 % par rapport à la moyenne de la zone euro. Sur la base d’un PIB de 2 353 milliards d’euros en 2018, l’écart se chiffre donc à 89,4 milliards euros.
L’objectif de cette étude est de comprendre les raisons de cet écart.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1° L’IMPACT DU CICE EN 2018
2° LES SPECIFICITES DE LA FRANCE
- La Défense Nationale
- L’Outre-Mer
- La contribution nette au Budget de l’UE
3° LA FONCTION PUBLIQUE
- La Fonction Publique d’Etat
- La Fonction Publique territoriale
4° LES AUTRES FACTEURS EXPLICATIFS
- Aide à la pierre et équipements collectifs
- Les facteurs explicatifs divers
CONCLUSION
1. L’IMPACT DU CICE EN 2018
Le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) a été créé par une loi de finances de décembre 2012. Il a été créé pour financer l’amélioration de la compétitivité des entreprises. Sa mise en œuvre a commencé à impacter les dépenses publiques en 2014.
Source : rapport du comité de suivi du CICE ; FIPECO
Le dispositif a été supprimé par le Président de la République Emmanuel Macron en 2018 et son impact sur les dépenses publiques est désormais nul. Il a été remplacé par un dispositif d’allègement de cotisations sociales patronales, ce qui viendra aggraver le déficit public mais sans renchérir les dépenses publiques hors protection sociale.
En 2018, le CICE a coûté 18,9 Milliards d’euro, soit 0,8 % du PIB. Hors CICE, l’écart de dépenses publiques hors protection sociale avec la moyenne des pays de la zone euro s’établit donc 3 % du PIB.
Compte tenu de la fin du CICE en 2020 et pour la suite de l’exposé, c’est donc cet écart de 3 % que nous tenterons d’expliquer, soit 70,6 Milliards d’euros.
2. Y A-T-IL DES SPECIFICITES LIEES A L’IDENTITE DE LA FRANCE QUI PEUVENT EXPLIQUER EN PARTIE L’ECART DE NIVEAU DE DEPENSES PUBLIQUES AVEC LES AUTRES PAYS DE LA ZONE EURO ?
La France présente en effet deux spécificités par rapport à ses voisins européens qui peuvent expliquer en partie cet écart. D’une part, elle possède une Défense Nationale beaucoup plus puissante et étoffée que ses voisins de la zone euro. D’autre part, elle détient de nombreux territoires d’outre-mer. Enfin, la France est contributrice nette au budget de l’Union Européenne.
1. La Défense Nationale
La France exerce des responsabilités particulières dans le monde. Elle siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle détient l’arme nucléaire. Elle réalise de nombreuses opérations extérieures en Afrique et au Moyen-Orient. Il n’est donc pas surprenant que ses dépenses dans le domaine de la Défense Nationale excèdent celles des autres pays de la zone euro.
De fait, la part des dépenses militaires dans le PIB en France s’élève à 1,8 % du PIB contre 1,2 % du PIB en moyenne dans la zone euro (Source : Eurostat- FIPECO), soit 50 % de plus.
Cette spécificité Défense Nationale explique donc en partie l’écart observé : 0,6 % du PIB sur 3 % (hors CICE), soit 20 % de l’écart ou encore 14,1 Milliards d’euros.
2. L’Outre-mer
La France est le pays de la zone euro qui comprend le plus grand nombre de territoires outre-mer et leur poids dans la nation est aussi le plus élevé. En effet, douze des vingt-deux territoires des pays de l’UE appartiennent à la France. Ils représentent une population totale de 2,6 millions d’habitants, soit près de 4 % de notre population totale.
En marge du conflit antillais de 2009, le Gouvernement français, par la voix d’Yves Jego alors Secrétaire d’Etat chargé de l’outre-mer, avançait le chiffre de 16,7 Mds d’euros s’agissant des dépenses totales consacrées par l’Etat à l’Outre-mer, et un surcout d’environ 7 Mds d’euros[1] pour la collectivité nationale. Cela représentait à l’époque 0,37 % du PIB. Ce surcout s’expliquait par plusieurs phénomènes spécifiques aux territoires d’Outre-mer :
- L’éloignement et la dispersion géographique des territoires
- Des avantages particuliers réservés aux agents de la fonction publique (1,5 Mds euros)
- Des mesures de défiscalisation et des niches fiscales (3,3 Mds d’euros)
- Divers autres dispositifs et situations particulières (2,2 Mds euros)
Le budget total actualisé consacré à l’outre-mer a été dévoilé en 2020. Il s’élève désormais à 26 Mds d’euros. Si le surcoût se situe dans les mêmes proportions qu’en 2009 (environ 40 %, il s’élèverait alors à 10,4 Mds d’euros aujourd’hui soit environ 0,44 % du PIB[2].
Compte tenu du fait que d’autres pays de la zone euro ont aussi des territoires outre-mer (10) mais dans une proportion plus faible et qu’ils doivent eux aussi avoir des surcoûts liés à ce sujet, nous pouvons sans doute « arrondir » à 0,40 % notre spécificité Outre-Mer.
Ainsi, la spécificité Outre-mer de la France explique pour partie l’écart observé avec la moyenne des autres pays de la zone euro à hauteur de 0,40 % du PIB soit 13,3 % du dit écart soit encore 9,4 milliards d’euros.
3. La contribution de la France au budget de l’Union Européenne
En 2018, la France a contribué à hauteur de 22,2 Milliards d’euro au budget de l’Union Européenne et a reçu en retour 14,8 milliards d’euro. Sa contribution nette s’élevait donc à 7,4 Milliards d’euros. Le périmètre de l’UE et celui de la zone euro sont différents notamment avec le Royaume-Uni qui pesait de manière importante dans le PIB de l’UE. Cependant, le Royaume-Uni, le plus grand pays de l’UE hors zone euro, était lui aussi contributeur net (à hauteur d’environ 5 milliards d’euros en 2015), cela ne vient donc pas corriger à la baisse le niveau de notre contribution nette au budget de l’UE par rapport à la moyenne des pays de la zone euro.
Dans ce contexte, la contribution nette de la France au budget de l’UE peut donc expliquer en partie l’écart de dépenses publiques avec la moyenne des autres pays de la zone euro et ce, à hauteur de 7,4 milliards d’euros, soit environ 0,30 % du PIB de la France en 2018.
En conclusion de cette partie, on observe effectivement que les spécificités de la France dans les domaines de la Défense Nationale, de l’Outre-Mer et de sa contribution nette au budget de l’Union Européenne expliquent en partie, c’est-à-dire à hauteur de 1,3 % du PIB (0,6 % + 0,40 % + 0,30 %) l’écart de poids de dépenses publiques entre la France et les autres pays de la zone euro.
Il reste donc à expliquer le reste de l’écart, soit 1,7 % du PIB (3 % – 1,3 %), soit 40 milliards d’euros de dépenses publiques.
3. LA FONCTION PUBLIQUE
Dépenses publiques (hors protection sociale) en % du PIB (2018)
France | Zone euro | Ecart | en PIB | ||
Aide à la pierre et autres équipements collectifs | 1,1 | 0,6 | 83% | 0,5 | |
Défense | 1,8 | 1,2 | 50% | 0,6 | |
Affaires économiques | 5,8 | 4,3 | 35% | 1,5 | |
Loisirs, culture et culte | 1,4 | 1,1 | 27% | 0,3 | |
Protection de l’environnement | 1 | 0,8 | 25% | 0,2 | |
Enseignement | 5,1 | 4,5 | 13% | 0,6 | |
Services Généraux | 4,3 | 4,1 | 5% | 0,2 | |
Sécurité intérieure et justice | 1,7 | 1,7 | 0% | 0 | |
Intérêts de la dette publique | 1,9 | 2 | -5% | -0,1 | |
TOTAL | 24,1 | 20,3 | 19% | 3,8 |
Source : EUROSTAT – FIPECO
*dont pour le CICE 1 % du PIB
L’analyse du tableau ci-dessus montre que la France dépense nettement plus que les autres pays dans quasiment tous les domaines à l’exception notable des services généraux, de la sécurité intérieure et de la justice et des intérêts de la dette publique. Naturellement, il existe de très grandes différences selon les postes considérés sur lesquels nous reviendrons ultérieurement. Cependant, la puissance publique étant une activité de service, la principale variable explicative des coûts de fonctionnement réside probablement dans ses dépenses de personnel.
C’est pourquoi il est utile d’analyser de près la fonction publique et son dimensionnement, de vérifier cette hypothèse puis de comprendre les raisons d’un éventuel sureffectif au sein de la fonction publique française.
Les comparaisons internationales à propos de l’emploi public sont rares et doivent être maniées avec précaution. En effet, certains pays délèguent presqu’en totalité auprès du secteur privé le secteur hospitalier tandis que d’autres conservent ce domaine dans le secteur public. Il convient donc de retraiter les données hors emplois publics du secteur hospitalier.
Une étude réalisée par France Stratégie (Tableau de bord de l’emploi public – France et comparaisons internationales) publiée en décembre 2017 nous permet de reconstituer ces données pour les pays de la zone euro membres de l’OCDE. Cette étude se fonde sur des données collectées pour l’année 2015.
Nombre d’agents des d’administrations publiques hors secteur hospitalier pour 1000 habitants en 2015
Irlande | 42,5 | |||
Italie | 43,5 | |||
Espagne | 46,0 | |||
Portugal | 52,0 | |||
Allemagne | 53,5 | |||
Grèce | 59,5 | |||
Pays-Bas | 62,5 | |||
Luxembourg | 64,5 | |||
Autriche | 65,5 | |||
France | 72,5 | |||
Belgique | 74,2 | |||
Finlande | 88,0 | |||
Moyenne non pondérée | 60,0 |
Source : France Stratégie
On observe ainsi que la France, avec un taux d’administration (hors santé) de 72,5 agents de la fonction publique pour 1000 habitants se situe bien au-dessus de la moyenne non pondérée de la zone euro qui s’élève quant à elle à 60 agents seulement. L’écart avec la moyenne est de 20,8 %, ce qui est effectivement considérable.
Cela signifie que là où en moyenne un pays voisin de la zone euro compte cinq fonctionnaires, la France en compte six.
Cependant, il convient de prendre en compte deux facteurs :
- Le niveau de sous-traitance des activités de service public auprès du secteur privé qui est variable selon les pays
- Les spécificités nationales évoquées plus haut (Défense Nationale et Outre-Mer)
1) La sous-traitance
Il est clair qu’un pays qui sous-traite un grand nombre de taches au secteur privé a besoin de moins de fonctionnaires et inversement. Or, il se trouve qu’effectivement, la France sous-traite peu ses activités de service public au secteur privé comme en témoigne le tableau ci-dessous.
Avec 28 % de consommations intermédiaires, la France est bien en deçà de la moyenne des pays de la zone euro appartenant à l’OCDE qui se situe aux environs de 34 %.
En d’autres termes, là où la France a des dépenses de fonctionnement de 100 euros, 72 euros permettent de payer ses fonctionnaires et 28 euros sont consacrés aux autres dépenses. En moyenne dans les pays de la zone euro membres de l’OCDE, 66 euros sont consacrés à la rémunération des fonctionnaires et 34 euros aux autres dépenses. Cet écart pourrait bien sûr provenir de la rémunération par agent public et non des effectifs. Cependant, l’étude de France Stratégie montre que la France rémunère ses agents dans la moyenne des pays de la zone euro membres de l’OCDE.
Il faut donc corriger notre moyenne des pays de la zone euro en termes de taux d’administration (60 agents pour 1000 habitants) du faible niveau de sous-traitance des services publics pratiqué en France.
En recalculant nos données, si les autres pays de la zone euro avaient le même niveau de sous-traitance qu’en France (28 % de consommations intermédiaires, le taux d’administration moyen passerait de 60 agents pour 1000 habitants à 65 agents pour mille habitants. L’écart entre la France et la moyenne des pays de la zone euro passe ainsi de 20,8 % à 11,8 % (72,5 – 65).
2) Défense Nationale et Outre-Mer
Le Ministère de la Défense Nationale employait 263 000 agents en 2017. Considérant que la France dépense une fois et demi plus que les autres pays dans ce domaine en raison de son rôle particulier, cela signifierait que nous employions, toutes choses étant égales par ailleurs, 87 000 agents supplémentaires.
S’agissant de l’Outre-mer, nous comptons environ 133 000 fonctionnaires (hors fonction publique hospitalière – 30 000 emplois) (source Ministère de l’outre-mer et INSEE). Selon par ailleurs une étude FIPECO, le taux d’administration est supérieur de 26,7 % à celui de la métropole. Cela représente 28 000 agents publics.
Ramenés à une population française de 66,4 millions d’habitants, ces 115 000 agents (87 000 + 28 000) représentent 1,7 agents pour 1000 habitants. Le taux d’administration de la France, corrigé de l’effet Défense Nationale et Outre-Mer, s’élève donc à 72,5 – 1,7 = 70,8 agents pour 1000 habitants en France.
Avec le même niveau de sous-traitance qu’en France, le taux moyen d’administration serait de 65 agents pour mille habitants en moyenne dans la zone euro. L’écart entre la moyenne de la zone euro et la France s’élève donc à 5,8 agents (70,8-65) pour 1000 habitants. Cela représente une différence de 8,9 %.
Sur cette base de calcul, en supposant qu’en 2018 l’écart avec nos pays voisins soit resté le même et avec un nombre d’agents de la fonction publique hors secteur hospitalier qui s’élevait en France à 4,385 millions de personnes, les effectifs de fonctionnaires en France en dépassement de la moyenne zone euro s’élèveraient à 365 000 agents hors Défense et Outre-mer et en tenant compte de l’effet sous-traitance.
Il s’agit donc désormais de comprendre pourquoi la France compte 365 000 fonctionnaires de plus que les autres pays de la zone euro, toutes choses étant égales par ailleurs.
La Fonction publique en France, hors secteur hospitalier, se compose de la fonction publique d’Etat et de la fonction publique territoriale.
Fonction publique hors secteur hospitalier – évolution
En milliers d’agents | 2000 | 2017 | Evolution en % | Evolution en nombre |
Fonction Publique d’Etat | 2572 | 2507 | -3% | -65 |
Fonction Publique Territoriale | 1327 | 1970 | 48% | 643 |
Total Fonction Publique | 3899 | 4477 | 15% | 578 |
Population Totale | 60,5 | 66,7 | 10% | |
En millions d’habitants |
Source : INSEE
Le tableau ci-dessus montre que, sur une période de 17 ans, les effectifs de la fonction publique ont cru de 15 % alors que la population française n’augmentait que de 10 %.
A l’intérieur de cela, on observe que la fonction publique d’Etat est restée stable, voire en légère baisse. En revanche, les effectifs de la fonction publique territoriale ont cru de 48 %.
Aujourd’hui 56 % des fonctionnaires relèvent de l’Etat et 44 % des collectivités territoriales contre respectivement 65 % et 35 % en 2000.
Avant d’aller plus loin dans l’analyse, il faut naturellement se poser la question de savoir si, au cours des vingt dernières années, l’Etat a transféré de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, ce qui pourrait expliquer cette évolution contrastée.
Il apparait en effet que l’Acte II de la décentralisation, mis en place par le gouvernement de Jean Pierre RAFFARIN en 2003 a eu pour conséquence de transférer certaines compétences de l’Etat aux collectivités locales : formation professionnelle, gestion du personnel non enseignant des lycées et des collèges, transports ferroviaires régionaux, aides individuelles aux entreprises, programmes régionaux de santé, politique touristique, gestion de certains ports et aéroports, gestion complète du RSA, gestion d’une partie du réseau routier national… Ce programme de décentralisation s’est traduit par le transfert de 140 000 agents de l’Etat vers la fonction publique territoriale (Source : FIPECO l’emploi public).
Si l’on retraite nos données en tenant compte de ce transfert, alors la fonction publique d’Etat à périmètre constant se serait accrue de 3 % (au lieu d’un décroissance de 3 %) tandis que la fonction publique territoriale aurait augmenté sur la période de 38 % au lieu de 48 %.
Ces chiffres sont cependant à considérer avec précaution car les transferts de compétences n’ont pas nécessairement été compensés exactement par les transferts de personnel selon les domaines.
Nous allons donc analyser les deux fonctions publiques séparément tout en sachant que les frontières sont poreuses entre les deux domaines. Par conséquent, seules les grandes tendances devront être retenues.
1. La Fonction publique d’Etat
Comme on l’a vu précédemment, la fonction publique d’Etat s’est révélée particulièrement économe en termes d’effectifs au cours des deux dernières décennies. Ses effectifs sont restés stables alors que la population française augmentait de 10 %. On peut donc raisonnablement penser que les marges d’économies sont réduites et que les sureffectifs accumulés pendant les deux septennats de François MITTERAND, de 1981 à 1995, ont été en grande partie résorbés. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’on regarde la composition de la Fonction Publique d’Etat :
Effectifs de la fonction publique d’Etat (en milliers d’agents) | 2017 |
Education, enseignement et recherche | 1050 |
Intérieur | 295 |
Défense | 263 |
Economie, Finances et Industrie | 142 |
Logement, transports et développement durable | 51 |
Affaires sociales, santé et travail | 19 |
Autres yc Justice | 145 |
Etablissements Publics à caractère administratif | 542 |
TOTAL | 2507 |
Source : INSEE
Si l’on passe en revue en effet les principaux employeurs de la fonction publique d’Etat :
Education (40 % des effectifs)
C’est un des rares domaines où la France se situe en bas de l’échelle en termes d’effectifs en tous cas d’effectif enseignant. En effet, le nombre d’enseignants pour 1000 élèves se situe à 13, soit le taux le plus bas observé au sein des pays de l’OCDE appartenant à la zone euro.
Intérieur (12 % des effectifs)
Nous avons vu plus haut que c’est l’un des domaines où la France ne dépense pas plus que la moyenne des pays de la zone euro (1,7 % pour sécurité-justice).
Défense (10,5 % des effectifs)
C’est un domaine lié à l’identité même de la France et à son rôle en Europe et dans le monde. De plus, l’Armée est le Ministère où le plus grand effort a été réalisé en termes d’effectifs au cours des dernières décennies.
Nous voyons donc que sur près des deux tiers des effectifs de la Fonction Publique d’Etat, il n’y a sans doute pas une très grande marge de manœuvre. C’est dans les autres Ministères et dans les autres Etablissements Publics à caractère administratif qu’il reste peut-être des gisements de productivité à exploiter.
2. La Fonction publique territoriale
Nous avons vu plus haut que les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté de 48 % entre 2000 et 2017 ou de 38 % si l’on prend en considération les transferts de compétence et de personnels associés à l’Acte II de la décentralisation mis en place en 2003.
La fonction publique territoriale se décompose de la manière suivante :
Effectifs physiques au 31/12/2017
En milliers d’agents | En % | |
Bloc communal | 1009 | 53 % |
Département | 283 | 15 % |
Régions | 88 | 5 % |
Etablissements Publics Administratifs | 520 | 27 % |
Total | 1902 | 100 % |
Source : INSEE
Il est intéressant d‘examiner l’évolution de ce qu’il est convenu d’appeler le Bloc communal.
On observe que les dépenses des EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale) ont augmenté de 80 % entre 2004 et 2019 tandis que durant la même période les dépenses des communes se sont accrues de 30 %.
Les EPCI, qui ont peu à peu succédé aux syndicats de communes dédiés à la gestion en commun de certains équipements, ont une fiscalité propre. Ils ont été institués par les différentes lois de décentralisation. On en compte 1250 aujourd’hui. Il en existe quatre catégories dont :
- 21 métropoles
- 14 communautés urbaines
- 222 communautés d’agglomération
- 997 communautés de communes
Les EPCI emploient 260 000 agents, soit 14 % des effectifs de la fonction publique territoriale (70 000 pour les syndicats de communes) et ont dépensé 52 Milliards d’euros en 2019, soit environ 2 % du PIB.
En synthèse, on peut dire qu’avant la première loi de décentralisation de 1982, la France avait deux niveaux d’administration locale : la commune et le département créés à la Révolution française.
Aujourd’hui, nous pouvons en dénombrer schématiquement quatre : la commune, l’Etablissement de coopération intercommunale, le département et la région.
Dépenses des collectivités en Mds d’euros | ||
2019 | Repartition | |
Groupements de communes | 45,41 | 18% |
Communes | 95,46 | 39% |
Départements | 66,32 | 27% |
Régions | 32,62 | 13% |
TOTAL | 246,1 | 100% |
Source : www.viepublique.fr
Le tableau ci-dessus met en évidence le poids important de chaque niveau sur le plan financier.
La répartition des rôles et des responsabilités entre tous les acteurs, y compris l’Etat, est extrêmement complexe. C’est d’ailleurs un des sujets les plus difficiles pour les étudiants qui ont à le traiter dans le cadre de leurs examens et de leurs concours. De plus, loin de simplifier la situation, l’acte III de la décentralisation est venu ajouter un degré de complexité complémentaire.
Lorsqu’on examine ce qui se passe en Europe, on observe en règle générale trois niveaux d’administration territoriale (ou parfois deux dans les petits pays) : la commune, la région et ce que nous appelons le département et ce que d’autres appellent la province ou autres Kreis. En revanche, on ne voit pas qu’il y ait quatre niveaux. De plus, les rôles et les responsabilités de chaque niveau sont clairement établis. Il n’y a pas de redondance.
Il apparait donc clairement le nombre excessif de niveaux d’administration territoriale ainsi que l’enchevêtrement des rôles et des responsabilités entre ces quatre niveaux et l’Etat sont pour une majeure partie à l’origine des sureffectifs de la fonction publique en France. Le millefeuille administratif mis en place progressivement depuis 1982 via les trois actes de la décentralisation en est la cause principale. Il explique sans doute la majeure partie des 365 000 agents de la fonction publique que nous avons de plus par rapport à nos voisins européens.
Parmi les autres causes possibles du niveau trop élevé des effectifs de la fonction publique, comme dans une entreprise privée, on peut aussi penser à d’autres types de phénomènes :
- Un taux de personnel administratif par rapport au personnel de terrain trop élevé
- Un manque d’automatisation de certaines tâches administratives
- Des processus administratifs trop complexes
- Des doublons ou chevauchements entre services et directions
- Des organisations trop complexes
- Un niveau d’absentéisme élevé ou un manque de productivité de certains agents
- Des domaines dans lesquels l’intervention de la puissance publique n’est pas absolument nécessaire
En conclusion, il convient d’estimer l’impact sur les dépenses publiques du sureffectif estimé de 365 000 agents publics par rapport aux autres pays de la zone euro.
En 2016, le coût moyen de la rémunération d’un fonctionnaire de le la fonction publique de l’Etat en France se situait environ à 50 000 euros annuels (Source : Ministère de l’action et des comptes publics) et 41 000 euros pour un fonctionnaire territorial.
En tenant compte de l’augmentation de la masse salariale publique entre 2016 et 2018 et faisant l’hypothèse que la majeure partie des sureffectifs (85 %) serait située dans la fonction publique territoriale, le surcoût en termes de masse salariale serait de 16 Mds d’euros pour 365 000 fonctionnaires. Il faut bien sûr ajouter à cela les coûts liés à ces postes de travail, l’effet sous-traitance.
En partant d’un niveau de consommation intermédiaire de 28 % (cf. plus haut) des dépenses de fonctionnement, le coût du sureffectif de la fonction publique en France (hors Défense Nationale et Outre-mer) peut être estimé à 22,5 Milliards d’euros, soit environ 0,956 % du PIB 2018 de la France que schématiquement nous arrondirons à 1 %.
4. LES AUTRES FACTEURS EXPLICATIFS
Nous avons vu plus haut que l’écart de dépenses publiques, hors protection sociale, entre la France et la moyenne des pays de la zone euro était égale à 3 % du PIB en 2018, hors CICE.
Nous avons vu également que cette différence s’explique par :
- La spécificité française en termes de défense nationale : 0,6 %
- La spécificité française Outre-Mer : 0,4 %
- La contribution de la France au budget de l’UE : 0,3 %
- Un sureffectif de la fonction publique (hors secteur hospitalier) : 1 %
Il reste donc à expliquer un écart de 0,7 % du PIB, soit 16,5 Milliards d’euros.
Pour ce faire, il est utile de revenir au tableau montré plus haut.
Dépenses publiques (hors protection sociale) en % de PIB en 2018
|
Source : EUROSTAT – FIPECO
Sur ce tableau, les trois lignes qui présentent le plus grand écart en pourcentage avec la moyenne des pays de la zone euro sont dans l’ordre :
- Aide à la pierre et équipements collectifs : + 83 %
- Défense : + 50 %
- Affaires économiques : + 35 %
Nous avons vu plus haut l’explication en ce qui concerne la Défense Nationale. S’agissant des Affaires économiques, le coût du CICE (0,8 % du PIB) vient en grande partie expliquer l’écart. En effet, hors CICE, l’écart de dépenses avec la moyenne des pays de la zone euro est ramené à 16 %. Il y a donc lieu d’analyser de plus près et en priorité, selon cette grille d’analyse, le domaine de l’aide à la pierre et des équipements collectifs.
1. Aide à la pierre et équipements collectif
Dans ce tableau, il est tout d’abord important de dire que les transports ne font pas partie de cette rubrique. Ils sont placés dans Affaires économiques. Par ailleurs, les aides personnelles au logement n’en font pas partie non plus car elles sont classées dans les dépenses de protection sociale.
Il est difficile de savoir exactement ce que recouvre cette rubrique. Cependant, on peut légitimement penser qu’elle recouvre essentiellement le logement social, sujet dans lequel la puissance publique est très active en France.
En effet, l’INSEE nous apprend qu’en 2017, il existait en France 4,7 millions de logements sociaux (5 millions en 2020) qui représentaient 16 % du parc de logements occupés. Ces logements sont occupés par 10,7 millions de personnes. Or, à l’échelle de l’Union Européenne, une étude réalisée en 2017 nous montre que le taux de logements sociaux sur l’ensemble du parc était de 11 %. L’écart entre la France et la moyenne des pays européens est donc de 45 %.
Selon une étude réalisée par l’Institut Montaigne en 2008, les grands pays de la zone euro avaient un nombre de logements sociaux par millier d’habitants bien inférieur à celui de la France : France (69) versus l’Allemagne (27), l’Italie (18) ou encore l’Espagne (3). Par ailleurs, la part du secteur privé dans le logement social est encore très réduite en France même si elle tend à se développer.
Il est difficile d’estimer l’écart de dépenses publiques en faveur du logement social entre la France et la moyenne des pays de la zone euro car cette donnée n’est pas disponible. Cependant, sur la base de l’étude de l’Institut Montaigne et en prenant en compte sept pays représentant 290 millions d’habitants (85 % de la population de la zone euro), nous obtenons un nombre moyen pondéré de 40 logements sociaux pour 1000 habitants contre 69 en France, soit un écart de 70 %.
Cela vient confirmer que la majeure partie de l’écart entre la France et la moyenne des pays de la zone euro provient probablement d’un nombre de logements sociaux bien supérieur à celui de nos voisins européens. En appliquant ce ratio de + 70 % sur les dépenses moyennes des pays de la zone euro en matière d’aide à la pierre et autres équipements collectifs (0,6 % du PIB), on aboutit à un surcroît de dépenses équivalent à 0,42 % du PIB.
Ainsi le parc de logements sociaux en surplus par rapport à la moyenne des pays de la zone euro (soit environ 1,8 million de logements), vient sans doute expliquer des dépenses publiques supplémentaires à hauteur de 0,4 % du PIB ou encore 9,4 Milliards d’euros.
2. Les facteurs explicatifs divers
Pour comprendre l’écart résiduel de dépenses publiques (0,3 %), il nous faut à nouveau revenir au tableau initial.
Dépenses publiques (hors protection sociale) en % de PIB en 2018
|
Source : EUROSTAT – FIPECO
Nous avons déjà abordé dans l’étude l’aide à la pierre et autres équipements collectifs et la Défense. Nous voyons par ailleurs que sur trois postes (Services généraux, sécurité intérieure et justice, intérêts de la dette publique) la France se situe peu ou prou dans la moyenne des pays de la zone euro.
Il reste donc quatre domaines où la France dépense plus que les autres pays de la zone euro : les affaires économiques, les loisirs, la culture et les cultes, la protection de l’environnement et l’enseignement.
S’agissant des affaires économiques, il faut neutraliser l’effet CICE (0,8 % du PIB). L’écart est ainsi ramené à 0,7 % du PIB, soit 16 % de plus que la moyenne européenne. A l’intérieur de ce poste, les transports présentent un écart de 0,2 % (2,1 % pour la France versus 1,9 % pour la moyenne de la zone euro, soit un écart de 10,5 %). Hors transport, l’écart est donc de 0,5 % (2,9 % – 2,4 %), soit 20,8 %.
Dans ce contexte, ayant éliminé tous les autres facteurs explicatifs (CICE, Défense, Outre-Mer, Budget Union européenne, effectifs de la fonction publique et logements sociaux), le surcroît de dépenses publiques par rapport à la moyenne des pays de la zone euro se répartit de la manière suivante :
Dépenses publiques (hors protection sociale) en % de PIB en 2018
En % PIB | % du total de l’écart | Ramené à 0,3 % du PIB | En Mds euros | |
Enseignement | 0,6 | 33 % | 0,10 | 2,4 |
Affaires économiques hors transports | 0,5 | 28 % | 0,08 | 1,9 |
Loisirs, culture et cultes | 0,3 | 17 % | 0,05 | 1,2 |
Transports | 0,2 | 11 % | 0,03 | 0,8 |
Protection de l’environnement | 0,2 | 11 % | 0,03 | 0,8 |
TOTAL | 1,8 | 100 % | 0,30 | 7,1 |
En d’autres termes, l’écart résiduel de dépenses publiques entre la France et les pays de la zone euro qui s’établit à 0,30 % du PIB se décompose de la manière suivante :
Enseignement : 0,10 % du PIB
Affaires économiques hors transport : 0,08 % du PIB
Loisirs, culture et culte : 0,05 % du PIB
Transports : 0,03 % du PIB
Protection de l’environnement : 0,03 % du PIB
Cet écart, comme indiqué plus haut, s’entend hors dépenses liées aux effectifs de la fonction publique.
Pour expliquer ces surcoûts, on peut formuler des hypothèses mais le format de l’étude ne permet pas d’aller plus dans le détail des analyses.
CONCLUSION
Hors dispositif CICE désormais supprimé, il apparait que l’écart de dépenses publiques entre la France et la moyenne des pays de la zone euro en 2018 s’établit à 3 % du PIB, soit 70,6 Milliards d’euros. Cet écart s’explique de la manière suivante :
Dépenses publiques excessives de la France par rapport à la moyenne de la zone euro | |||
2018 | En Pts de PIB | En % de l’ensemble | En Milliards d’euros |
Sureffectifs de la fonction publique | 1 | 33% | 23,5 |
Défense Nationale | 0,6 | 20% | 14,1 |
Outre-Mer | 0,4 | 13% | 9,4 |
Logement | 0,4 | 13% | 9,4 |
Contribution au budget de l’UE | 0,3 | 10% | 7,4 |
Enseignement | 0,1 | 3% | 2,4 |
Affaires économiques hors transport | 0,08 | 3% | 1,9 |
Culture, Loisirs et Cultes | 0,05 | 2% | 1,2 |
Transports | 0,03 | 1% | 0,8 |
Protection de l’environnement | 0,03 | 1% | 0,7 |
TOTAL | 3 | 100% | 70,6 |
Nous pouvons donc conclure que les dépenses publiques excessives de la France par rapport aux autres pays de la zone euro s’expliquent par six facteurs :
1er Facteur (33 %) : le sureffectif de la fonction publique ou une décentralisation anarchique
Les sureffectifs de la fonction publique (hors secteur hospitalier) proviennent d’une décentralisation anarchique qui a généré un véritable millefeuille administratif avec quatre niveaux de pouvoirs publics locaux contre deux ou trois généralement dans les autres pays de la zone euro. Cela a entrainé une explosion de la fonction publique territoriale au cours des vingt dernières années (+ 48 % entre 2000 et 2017). Le sureffectif de la fonction publique française hors secteur hospitalier est estimé à 365 000 agents
2ème Facteur (20 %) : Une Défense Nationale forte en raison du statut international de la France
Les dépenses de Défense Nationale s’expliquent par le rôle international de la France et par sa place dans le monde : siège au conseil de sécurité, arme nucléaire, interventions en Afrique et au Moyen Orient.
3ème facteur (13 %) : Une forte présence de la France outre-mer
Les dépenses « Outre-Mer » proviennent de la présence de la France sur quasiment tous les continents, ce qui entraine structurellement des surcoûts en raison de leur éloignement et leur dispersion dans le monde. De plus, la sur-administration de ces territoires et certaines particularités (avantages réservés aux agents de la fonction publique, mesures de défiscalisation et niches fiscales…) viennent renchérir les dépenses.
4ème facteur (13 %) : Un parc de logements sociaux excessif
Les dépenses « Logement social » s’expliquent par un parc de logements sociaux (environ 5 millions) bien supérieur à celui des autres pays de la zone euro. Toutes choses étant égales par ailleurs, la France a 1,8 million de logements sociaux de plus que ses voisins européens.
5ème facteur (10 %) : Une contribution nette de la France au Budget de l’UE élevée
S’agissant de l’Union européenne, la France est contributrice nette au budget de l’UE à hauteur de 7,4 Milliards d’euros. Cela pèse naturellement sur les dépenses publiques de la France.
6ème facteur (10 %) : des dépenses excessives (hors sureffectifs de la fonction publique) dans l’enseignement, les affaires économiques, les transports, la protection de l’environnement et la culture
Enfin, hors dépenses de personnel, la France dépense plus que les autres pays de la zone euro dans le domaine des affaires économiques, des transports, de l’enseignement, de la culture et de la protection de l’environnement à hauteur de 7 Milliards d’euros au total.
Parmi ces six facteurs, il faut sans doute distinguer ceux sur lesquels la marge de manœuvre de la France est faible de ceux pour lesquelles la France a toute latitude pour agir.
Les trois domaines où la marge de manœuvre de la France est faible : Défense Nationale, Outre-Mer, Contribution du budget de l’Union Européenne (43 % de l’ensemble)
Dans ces domaines, les dépenses publiques sont liées à l’identité de la France (son rôle international, sa présence Outre-Mer) ou à une négociation avec les partenaires européens (contribution au budget de l’Union Européenne).
Il y a sans doute des marges de progrès : renégociation de la contribution de la France au budget de l’UE notamment en raison du rôle joué par la France sur le plan de la Défense qui sert les intérêts de tous les pays européens (intervention au Mali par exemple), marges d’optimisation sur les dépenses outre-mer (taux d’administration, certains avantages accordés …). Mais elles ne seront sans doute pas décisives.
Les trois domaines où la marge de manœuvre de la France est grande : sureffectifs de la fonction publique, parc de logements sociaux et poste divers (enseignement, affaires économiques, transports, culture et protection de l’environnement) (57 % de l’ensemble)
Dans ces domaines, la France a toute latitude pour mettre en œuvre les actions et les réformes nécessaires afin de résorber cet excès de dépenses publiques. Pour cela, il faut naturellement une volonté politique très forte car les réformes à entreprendre sont structurelles.
Elles sont néanmoins possibles à mettre en œuvre en un ou deux quinquennats afin de revenir à un niveau de dépenses publiques, hors protection sociale, qui soit raisonnable.
Dépenses publiques excessives de la France par rapport à la moyenne de la zone euro
En Pts de PIB | En % de l’ensemble | En Milliards d’euros | |
Sureffectifs de la fonction publique | 1 | 33% | 23,5 |
Défense Nationale | 0,6 | 20% | 14,1 |
Outre-Mer | 0,4 | 13% | 9,4 |
Logement | 0,4 | 13% | 9,4 |
Contribution au budget de l’UE | 0,3 | 10% | 7,4 |
Enseignement | 0,1 | 3% | 2,4 |
Affaires économiques hors transport | 0,08 | 3% | 1,9 |
Culture, Loisir et Culte | 0,05 | 2% | 1,2 |
Transports | 0,03 | 1% | 0,8 |
Protection de l’environnement | 0,03 | 1% | 0,7 |
TOTAL | 3 | 100% | 70,6 |
En bleu : les domaines où les marges de manœuvre sont nulles (défense nationale) ou limitées (Outre-Mer et Contribution de la France au budget de l’UE)
En rouge : les domaines où les marges de manœuvre sont élevées
Pour conclure, il faut ajouter que cette analyse des causes n’épuise pas totalement le sujet des voies et moyens pour réduire les dépenses publiques hors protection sociale de la France. Une autre étude du CAP sera utile, à partir de ce diagnostic, pour traiter pleinement ce sujet.
En effet, il existe d’autres sources de coûts sur lesquels la France peut utilement agir pour réduire ses dépenses publiques comme l’immigration légale et illégale par exemple, ou encore ce que nous pouvons appeler les « Fromages de la République », ces multiples institutions, dont l’utilité n’est pas réellement démontrée, créées par et pour les politiques et la haute fonction publique (Conseil Economique, Social et Environnemental, Agences et Hautes autorités diverses) afin de leur procurer des sources de revenus appréciables et qui pèsent sur les comptes publics. Enfin, le poids des dépenses publiques dans le PIB dépend aussi du dénominateur, c’est-à-dire de la croissance économique.
En tout état de cause, il apparait qu’un candidat à l’élection présidentielle ne peut raisonnablement occulter ce sujet majeur de la réduction des dépenses publiques hors protection sociale. En effet, l’anomalie française en la matière devra être corrigée pour la prospérité actuelle et future de la France.
Sources de la note : INSEE, Eurostat, OCDE, France Stratégie, Vie publique, Observatoire des finances locales, Institut Montaigne
[1] https://www.lefigaro.fr/economie/2009/02/11/04001-20090211ARTFIG00602-l-outre-mer-coute-pres-de-sept-milliards-a-l-etat
[2] https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2020/pap/pdf/DPT/DPT2020_outre-mer.pdf
Pour télécharger la note d’actualité en PDF, CLIQUEZ ICI
Merci !
L’article est déverouillé. Bonne lecture !