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L’alliance AUKUS dans l’Indopacifique : quelles leçons pour la France ?

L’alliance AUKUS dans l'Indopacifique : Quelles leçons pour la France ?
Pierre-Emmanuel Thomann - contributeur CAP ISSEP

Pierre-Emmanuel Thomann

Contributeur CAP

Docteur en géopolitique et professeur à l'ISSEP

La nouvelle alliance[1] entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni (AUKUS) dans la zone indopacifique annonce une  escalade dans la rivalité géopolitique entre les États-Unis et leurs alliés anglo-saxons contre la Chine.

La rupture du contrat par l’Australie portant sur la livraison de sous-marins français et son remplacement par un contrat avec les États-Unis et le Royaume-Uni est la conséquence immédiate de cette nouvelle alliance. Au-delà de l’annulation du contrat, la crise diplomatique qu’elle a provoqué résulte plus profondément de la mise à l’écart de la France dans cette nouvelle alliance exclusive des trois pays anglo-saxons et de la duplicité de ces États que la France considérait, à tort, comme des alliés sur un pied d’égalité.       

Cette alliance cristallise les postures rivales et le risque d’une nouvelle phase de prolifération nucléaire s’accroît, puisque le contrat porte sur la livraison de sous-marins américains à propulsion nucléaire à l’Australie, puissance non nucléaire[2].

 
AUKUS et la manœuvre d’encerclement de l’Eurasie

Pour interpréter la configuration géopolitique émergente qui résulte de la création de cette alliance, les enjeux doivent être abordés à l’échelle mondiale et non pas seulement dans la zone indopacifique afin d’en souligner les ressorts profonds.

Carte 1carte n°1 : Stratégie géopolitique des États-Unis contre la Russie et la Chine dans le cadre de la rivalité des puissances

ll faut rappeler que, pour les États-Unis, la doctrine de l’Indo-Pacifique[3], n’est que le volet asiatique d’une manœuvre plus large qui consiste à encercler l’Eurasie[1], l’autre volet étant le front est européen contre la Russie. AUKUS[2] s’inscrit donc dans la volonté des Anglo-Saxons de se positionner au sommet de la hiérarchie des puissances.

Cette alliance des trois pays anglo-saxons[4] dans l’Indopacifique est exclusive, car elle découle de l’objectif des Anglo-Saxons de ralentir l’émergence du monde multipolaire à l’échelle mondiale, notamment contre la Chine, mais aussi contre la Russie. Même si la zone indopacifique devient prioritaire pour les États-Unis, le théâtre européen reste d’actualité. La stratégie globale des Anglo-Saxons consiste aussi à empêcher l’éventuelle émergence d’un bloc Ouest européen autour de la France et l’Allemagne, avec, à terme, une entente avec la Russie voire la Chine par voie continentale. Les États-Unis cherchent désormais à éviter une escalade de la rivalité avec la Russie pour ne pas renforcer son rapprochement avec la Chine. Néanmoins, ils ne peuvent pas enrôler la Russie contre la Chine, car la Russie n’a pas intérêt à une fracture géopolitique en Eurasie avec la Chine. De plus, si la Russie n’est plus un adversaire, il n’y aurait plus d’obstacle à une entente d’envergure paneuropéenne, avec pour conséquence une obsolescence de l’alliance atlantique et du rôle de chef de file des États-Unis en Europe. Les États-Unis ne souhaitent pas non plus quitter le théâtre européen, afin d’éviter une guerre sur deux fronts, car en cas de conflit avec la Chine, ils estiment nécessaire d’empêcher la Russie de profiter d’un vide stratégique en Europe. Pour pouvoir se concentrer sur l’Indo-Pacifique contre la Chine, ils soutiennent des Etats-fronts comme la Pologne et les pays Baltes et des Etats pivots comme l’Ukraine et la Géorgie, pour endiguer la Russie en Europe et la repousser dans ses terres continentales. Ils cherchent aussi à orienter les ambitions de la Turquie vers les zones d’intérêts russes comme le Caucase, la Syrie, la Libye et l’Asie centrale.        

L’AUKUS ne constitue donc qu’une escalade supplémentaire dans le cadre d’une grande stratégie des États-Unis vis-à-vis de l’Eurasie, avec pour objectif d’empêcher une puissance rivale de contrôler les zones côtières de ce continent et ainsi mettre en danger sa suprématie. Elle trouve sa source dans la doctrine géopolitique de Spykman (endiguement de l’URSS dans les années 1950) reconduite jusqu’à aujourd’hui. Il en découle la désignation de la Chine et de la Russie comme adversaires des États-Unis sous la présidence de Donald Trump[5], priorité poursuivie par Joe Biden.

La mise à l’écart de la France n’est évidemment pas fortuite, car la France fut en pointe pour la promotion d’une autonomie stratégique européenne, mais aussi pour une nouvelle architecture européenne de sécurité avec la Russie. Un avertissement est envoyé à l’Allemagne par la même occasion car elle souhaite préserver ses liens commerciaux avec la Chine et ses approvisionnements  énergétiques avec la Russie.    

 
D’un triumvirat à l’autre 

La diplomatie française, en intégrant dès 2018 la doctrine américaine de l’Indo-Pacifique, s’est alignée sur les priorités des Anglo-Saxons sans la retenue appropriée pour défendre son indépendance stratégique. Elle n’a donc pas obtenu de garantie préalable sur sa participation aux décisions, et se voit écartée aujourd’hui du cœur de l’alliance entre les États-Unis l’Australie et le Royaume-Uni, qui se positionnent comme le triumvirat de l’Occident atlantiste.  La France avait pourtant participé en avril 2021 à des manœuvres navales dans le golfe du Bengale (océan Indien) avec les pays du Quad[6] : États-Unis, Japon, Inde et Australie, et dans le Pacifique avec les États-Unis, l’Australie et le Japon, en mai 2021[7], provoquant les critiques de la Chine dénonçant l’émergence d’une « OTAN indo-pacifique » selon une logique de guerre froide. 

Cette crise nous rappelle un autre triumvirat, celui que le général de Gaulle avait proposé aux États-Unis et au Royaume-Uni à l’OTAN en 1958 et qu’il n’avait pas obtenu. Les alliances entre nations anglo-saxonnes sont toujours exclusives, une leçon de l’histoire et de la géopolitique que la diplomatie française n’a pourtant toujours pas retenue. Les « Five Eyes » l’alliance étroite des services de renseignement de l’Australie, du Canada, États-Unis, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni existe depuis 1941 jusqu’à aujourd’hui[8]. Les États-Unis et l’Australie sont aussi alliées depuis la guerre Froide dans l’ANZUS[9].

Cet épisode avait conduit le général de Gaulle, après son échec pour obtenir un statut égal au Royaume-Uni dans l’OTAN, à s’engager dans l’alliance franco-allemande avec le traité de l’Élysée (1963), et plus tard, anticiper l’émergence d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural »   avec la Russie. Puisque le triumvirat anglo-saxon dans l’Indo-Pacifique a écarté la France, c’est l’occasion pour la France de rééquilibrer ses alliances, comme le général de Gaulle avait essayé de la faire.

La perte d’indépendance stratégique de la France

L’erreur de la diplomatie française fut de persister à croire qu’un rang privilégié pouvait être accordé à la France en se coulant dans les priorités géopolitiques anglo-saxonnes (en s’inscrivant dans la doctrine Indo-Pacifique / et en approuvant les élargissements OTAN), tout en préservant une marge de manœuvre tactique (en obtenant des contrats d’armement par exemple). De manière tout à fait prévisible, la doctrine « America First » de Donald Trump, se poursuit avec Joe Biden.

Plus la France se moulera dans les grandes lignes des priorités géopolitiques des Anglo-Saxons depuis la fin de la Guerre froide, comme en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Syrie, en  Ukraine et aujourd’hui dans l’Indo-Pacifique  moins elle sera respectée. La recherche par la France d’une autonomie tactique dans ces différentes manœuvres débouche inévitablement sur une intransigeance croissante de la part des États-Unis vis-à-vis du degré d’allégeance de la France. 

La formule d’Hubert Védrine, « amis, alliés, mais pas alignés »[10], semble de moins en moins défendable dans la rivalité de nature systémique de l’affrontement entre les États-Unis et la Chine sur le mode « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous. » [11].

La diplomatie française ne fait plus aujourd’hui la promotion d’un monde multipolaire (encore moins d’une Europe multipolaire) et de facto, ne conteste plus la vision unipolaire des pays Anglo-Saxons à l’échelle mondiale et en Europe, à rebours de la vision gaulliste[12] 

Quelle réponse géopolitique pour la France ?  

Une nouvelle manœuvre géopolitique devrait répondre à la manœuvre des Anglo-Saxons pour écarter la France et l’Europe, en plus de contrer la Chine et la Russie.

Aujourd’hui, la configuration géopolitique émergente se prête à nouveau à un rééquilibrage des alliances, dans le cadre de ce nouveau Grand Jeu qui se déploie sur les marges du continent eurasien, en Europe et dans les archipels de l’espace indopacifique. Une stratégie géopolitique, c’est l’anticipation sur l’espace-temps des autres (alliés et ennemis). Il appartient désormais à la France de répliquer en agissant sur la configuration géopolitique et non pas seulement par des ajustements tactiques.

Afin d’éviter d’être aspirée sans limites dans la confrontation croissante entre la Chine et les pays anglo-saxons avec pour chef de file les États-Unis, la France pourrait promouvoir une posture alternative de non-alignement, mais tout en affirmant ses propres lignes rouges vis à vis de la Chine.  La vocation de la France comme puissance d’équilibre est de promouvoir un meilleur équilibre géopolitique dans le monde entre puissances et non pas s’enfermer dans une « alliance des démocraties » sous direction anglo-saxonne. Elle risque d’y perdre son indépendance et s’éloigner de ses intérêts nationaux prioritaires en Europe et Méditerranée.

Le risque de l’émergence d’un condominium américano-chinois, où les dirigeants des deux États rivaux négocient au bord de l’affrontement des accords au détriment des autres États, à l’image de la guerre froide entre États-Unis et URSS, doit aussi être évité.

carte 2

Carte n°2 : Options géopolitiques des Européens face à la rivalité américano-chinoise

La nouvelle posture de la France devrait découler d’une identification de ses propres priorités aux échelles mondiale, européenne et nationale.

La France a une présence  territoriale  dans  l’Océan Indien (Mayotte, la Réunion, les Terres Australes et Antarctiques françaises) et le Pacifique (la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna, la Polynésie française et Clipperton) avec d’environ 1, 6 millions d’habitants et une force militaire de souveraineté de plus de 7000 hommes. La France possède ainsi le deuxième espace maritime au monde et plus de 90 % de ses zones économiques exclusives (ZEE) sont situées dans les océans Indien et Pacifique

La France doit se défendre contre toute menace potentielle sur son territoire dans la zone indopacifique, qui ne doit tomber ni sous hégémonie chinoise ni sous hégémonie anglo-saxonne.

 Il est dangereux de s’associer à une escalade qui précisément pourrait faire de son territoire dans la zone indopacifique, un enjeu entre les États-Unis et la Chine et une cible. La dégradation de la sécurité dans les zones de collision entre les deux puissances (dont la zone indopacifique), est réelle[13]. Le risque de conflit le plus grave concerne aujourd’hui l’île de Taïwan. La république populaire de Chine (Chine continentale) considère que Taiwan n’est qu’une province de son territoire et revendique les espaces maritimes en Mer de Chine méridionale, tandis que Taïwan revendique de manière réciproque le territoire de la Chine continentale,  Les deux États sont en faveur d’une réunification, mais la République populaire de Chine est la seule représentante de la Chine à l’ONU depuis 1971. En se démarquant de la posture ambigüe des présidents américains précédents, le président Joe Biden a annoncé que les ÉÉtats-Unis défendraient militairement Taïwan en cas d’offensive de Pékin. Les États-Unis considèrent que Taïwan est un verrou géopolitique qui permet d’empêcher la marine chinoise d’accéder sans limites en cas de conflit à l’océan Pacifique et menacer les côtes américaines, mais aussi l’Australie, d’où l’alliance AUKUS, seconde ligne de défense. La Chine continentale considère de son côté que la présence des bases militaires américaines au Japon et en Corée du Sud et le soutien à Taïwan dans sa proximité géographique constituent une menace directe à son territoire et cherche à desserrer l’étau constitué par la doctrine d’endiguement des Etats-Unis .        

Cependant, pour que la France soit crédible sur le plan de la défense de son territoire, mais aussi vis-à-vis de ses alliés, un renforcement de ses capacités aéronavales devrait être prioritaire pour assurer une défense plus autonome de ce territoire qui à la taille de l’Australie[14]. Une volonté sans faille de maintenir sa présence en Nouvelle-Calédonie (qui détient 25% des ressources mondiales de nickel) menacée par les mouvements indépendantistes ( soutenus dans les années 80 par l’Australie et la Nouvelle Zélande[15]) devrait être réaffirmée. La diversification de ses alliances et un rapprochement plus sensible avec les pays qui souhaitent ne pas tomber sous la domination de la Chine mais aussi préserver leur marge de manœuvre.  

Les enjeux de la région indopacifique ne devraient pas non plus détourner la France de ses zones d’intérêts géopolitiques prioritaires. L’ennemi principal de la France reste le djihadisme qui se déploie dans l’arc de crise au sud de la Méditerranée jusqu’au Moyen-Orient et déborde sur son territoire. La coopération entre la France et le Royaume-Uni pour le maintien de leur statut de puissance nucléaire mais aussi avec les États-Unis et les pays anglo-saxons, dans la lutte contre le djihadisme, doit évidemment se poursuivre selon le principe des coalitions variables. Toutefois une logique de blocs prématurée est de nature à provoquer une prophétie autoréalisatrice aboutissant à l’escalade contre la Chine.

Dans le cadre de la stratégie indopacifique, la France comme l’Union européenne[16] défendent la libre circulation des espaces maritimes pour protéger les flux croissants entre l’Europe et la région indopacifique et garantir les approvisionnements commerciaux et énergétiques, qui deviennent en réalité de moins en moins maitrisables. Le choix est de s’en remettre de manière exclusive à la puissance maritime américaine qui préserve ainsi le monopole pour sécuriser ces flux. Des alternatives ne sont pas envisagées. La France et l’Europe ne devraient pas se considérer exclusivement comme des « démocraties maritimes », à l’image des trois fondateurs de l’alliance AUKUS[17], mais aussi des puissances continentales et valoriser la profondeur eurasienne pour s’insérer dans le monde multipolaire émergent. Dans l’optique d’une politique de diversification et sécurisation des flux énergétiques et commerciaux, l’ouverture d’un couloir eurasien et d’un couloir arctique offrirait une alternative à la route maritime sur l’axe canal de Suez – mer Rouge- océan Indien – détroit de Malacca – océan Pacifique. Les liens avec l’espace sibérien (hinterland énergétique de l’Europe) l’Asie centrale et l’Extrême-Orient seraient sécurisés avec ces nouveaux corridors : le réseau serait constitué d’un faisceau de lignes continentales et maritimes traversant le continent eurasien et des axes maritimes au sud (route du Cap et Suez et par le nord (route du Nord-Ouest et route du Nord dans l’océan Arctique). Une politique de resserrement géographique privilégiant la production et les flux commerciaux sur des circuits courts, avec un plan de relocalisation industrielle sur le sol français et ses voisins européens serait aussi adéquate pour moins dépendre des flux anarchiques et lointains. La fuite en avant vers une mondialisation sur la base de l’idéologie du libre-échange intégral et dont l’unique centre deviendrait l’Asie-Pacifique pourrait ainsi être évitée.

Pour la France, la grande Europe dans sa profondeur continentale, notamment sur un axe allant de l’Atlantique au Pacifique et l’axe Méditerranée/Sahel – océan Indien – océan Pacifique, constituent deux axes prioritaires, en plus de l’axe euroatlantique.

La France comme puissance d’équilibre pourrait chercher à éviter l’hégémonie tant de la Chine que des pays Anglo-Saxons et promouvoir une politique de non-alignement avec l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie, la Russie pour l’Europe, et l’Inde, l’Indonésie, la Nouvelle-Zélande, et le Vietnam, éventuellement la Corée du Sud et le Japon en Asie avec tous les États qui ne veulent pas être aspirés sans limites dans cette confrontation, pour éviter un condominium américano-chinois. Le principe des coalitions variables devrait être privilégié à celui d’une unité illusoire de l’Union européenne ou de l’OTAN sur cette question. La question de l’inadaptation dans la nouvelle configuration géopolitique européenne et mondiale des priorités de l’OTAN et de l’UE, organisations créées dans le contexte de la guerre froide, est clairement posée pour la France. Le renforcement des programmes de coopération en matière de défense est nécessaire, avant tout au niveau bilatéral et au sein de coalitions restreintes pour promouvoir plus d’indépendance stratégique pour la France et ses partenaires européens, parallèlement à un rapprochement sur les perceptions de sécurité et les finalités géopolitiques du projet européen, aujourd’hui trop divergentes.          

La Russie pourrait adopter une posture de non-alignement dans le cas d’un renforcement de la confrontation américano-chinoise et éviter une dérive vers une logique de blocs antagonistes. Elle ne s’alignera pas dans une alliance contre la Chine. En Europe et dans le monde, c’est donc aussi avec un pivot de la France vers la Russie que la France pourrait élargir sa marge de manœuvre. Un rapprochement franco-russe rétablirait un équilibre relatif avec les Anglo-Saxons, et réduirait le risque d’une entente tactique trop étroite entre la Russie et la Chine, avec pour finalité plus lointaine, la promotion d’une nouvelle architecture européenne de sécurité. Les tentatives récurrentes de la France en faveur d’un rapprochement franco-russe, avec le général de Gaulle (l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, 1963), le président Mitterrand (La Confédération européenne, 1991[18]), le président Jacques Chirac (Axe Paris-Berlin-Moscou contre la guerre en Irak, 2003), Nicolas Sarkozy (nouveau traité de sécurité européenne après la guerre Russie-Géorgie en 2008[19]) et Emmanuel Macron (nouvelle architecture européenne de sécurité, 2018) n’ont pas été suivies d’effets durables. La Russie est aujourd’hui pourtant sortie du communisme, condition posée par le général de Gaulle pour un rapprochement substantiel avec la Russie. Cela n’ôte donc en rien l’intérêt de cette vision, et pour cause, car c’est la seule démarche qui permettrait d’agir sur la configuration géopolitique de manière systémique, et de ne pas se satisfaire d’ajustements tactiques sans effet sur le long terme. Il va de soi que la France pourrait proposer en retour une synergie plus constructive avec la Russie en ce qui concerne la stabilité européenne, mais aussi les questions de sécurité vis-à-vis du djihadisme en Méditerranée, au Proche-Orient, Moyen-Orient et en Afrique et une retenue vis-à-vis des zones d’influences respectives.

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Carte n’°3 : Rapprochement franco-russe et axe continental de l’Atlantique au Pacifique dans le contexte de la rivalité géopolitique entre les États-Unis et la Chine

En surmontant la fracture actuelle avec la Russie, la France pourrait se concentrer sur ses axes prioritaires avec les États favorables à cette approche : L’ébauche d’une Europe de l’Atlantique au Pacifique, telle que le général de Gaulle l’avait anticipée pour un rééquilibrage européen et mondial vis-à-vis des prétentions hégémoniques anglo-saxonnes, mais aussi chinoises et assurer sa sécurité sur l’arc de crise au Sud de la Méditerranée et son propre territoire.

SOURCES

[1] L’Eurasie est un terme géographique désignant conjointement l’Europe et l’Asie en tant que continent unique, plutôt que deux continents séparés.

[2] AUKUS (acronyme de l’anglais Australia, United Kingdom et United States) est une alliance militaire tripartite formée par l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Rendue publique le 15 septembre 2021, elle vise à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indopacifique.

[1] L’alliance porte sur les capacités cyber, l’intelligence artificielle, les technologies quantiques et des capacités sous-marines supplémentaires https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/09/15/joint-leaders-statement-on-aukus/

[2] Un autre contrat portant sur l’achat de missiles américains par l’Australie confirme cette escalade

[3] La notion d’indopacifique est d’abord apparue au Japon dès 2010, avant d’être reprise et réinterprétée en fonction de leur propre priorité par différents États, les Etats-Unis Australie, Indonésie, Royaume-Uni, Allemagne, l’Asean et l’UE.

[4] Le Canada et la Nouvelle Zélande débattent sur leur adhésion éventuelle à l’alliance AUKUS ? En ce qui concerne la Nouvelle Zélande, une coopération sur les questions nucléaires est toutefois exclue.  https://www.lopinion.fr/edition/international/canada-nouvelle-zelande-lorgnent-aukus-258079   

[5] Sous la présidence Obama, l’endiguement de la Chine était de nature géoéconomique avec la signature accord de libre échange transpacifique (TPP) qui excluait la Chine. L’accord avait été signé en 2015 (États-Unis, Canada, Mexique, Chili, Pérou, Japon, Malaisie, Vietnam, Singapour, Brunei, Australie et Nouvelle-Zélande), mais les États-Unis en sont sortis en 2017 sous la présidence de Donald Trump, qui s’est par contre focalisé sur un endiguement géostratégique de la Chine

[6] https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/geostrategie-des-manoeuvres-dans-locean-indien-pour-contrer-lexpansionnisme-chinois

[7] https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/des-soldats-francais-en-exercice-au-japon-contre-la-menace-chinoise-1315188

[8] https://www.ege.fr/infoguerre/les-rapports-de-force-entre-les-five-eyes-et-des-societes-du-numerique

[9] L’ANZUS est une alliance militaire depuis 1951, entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis , les États-Unis ont toutefois suspendu le traité entre les États-Unis et la Nouvelle-Zélande depuis que le gouvernement néo-zélandais a interdit à tout navire à propulsion nucléaire navale et muni d’armes nucléaires de naviguer dans les eaux territoriales néo-zélandaises

[10] https://www.vie-publique.fr/discours/175709-entretien-de-m-hubert-vedrine-ministre-des-affaires-etrangeres-avec-l

[11] Cette formule est inspirée de la phrase prononcée par Georges Bush lors du discours détaillant la riposte des États-Unis après les attentats du 11 septembre : « vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes ».  https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/09/20010920-8.html

[12] Jacques Chirac était le dernier président qui faisait la promotion d’un monde multipolaire de manière explicite.

[13] https://www.lefigaro.fr/international/face-a-la-multiplication-des-zones-de-tension-washington-et-pekin-redoutent-qu-une-erreur-de-calcul-embrase-l-indopacifique-et-le-monde-20210928

[14] https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1420&fbclid=IwAR3pORMJjnNuFb8okxVgXaRpt4HZT77oPsBhofl57UvDDl51BmrMqBiQCyk

[15]  Xavier Pons, L’Australie, le Nucléaire et la présence française en Nouvelle Calédonie, Politique étrangère, 1987,  https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1987_num_52_1_3644

[16] L’Union européenne a toutefois aussi été écartée comme la France par le triumvirat anglo-saxon qui a annoncé son alliance le juste avant la publication de la stratégie indopacifique de l’Union européenne. L’objectif de l’Union européenne dans cette zone n’est pourtant pas lié à l’obtention d’une autonomie stratégique, notion absente de sa stratégie indopacifique de 2021, mais une série de partenariats et zones de libre-échange avec les pays de la zone pour renforcer des flux commerciaux alternatifs à la Chine. https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/104127/node/104127_fr

[17] Le communiqué de presse qui annonce la création de l’AUKUS souligne que « En tant que première initiative dans le cadre de l’AUKUS, reconnaissant notre tradition commune de démocraties maritimes, nous nous engageons à partager l’ambition d’aider l’Australie à acquérir des sous-marins à propulsion nucléaire pour la Royal Australian Navy ».  https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/09/15/joint-leaders-statement-on-aukus/

[18] https://www.mitterrand.org/francois-mitterrand-architecte-de.html

[19] https://www.euractiv.fr/section/sud-mediterranee/news/la-france-et-la-russie-s-accordent-sur-la-securite-europeenne-fr/